Souvenirs d'école Récit de Julienne - 65 ans Sainte-Luce, Martinique (relaté en août 2002) De mon temps, les enfants entraient à l'école à l'âge de six ans, en cours préparatoire appelé alors "tit' classe (la petite classe). Il n'y avait pas d'école maternelle. Il existait une sorte de garderie pour les enfants de moins de six ans qu'on appelait communément "école-chatt". Ces enfants allaient chez une jeune fille qui les prenait en charge. Elle les initiait à l'alphabet, leur apprenait des comptines et des chants. C'était une "école" payante qui dépannait les parents qui ne savaient que faire de leurs enfants pas encore en âge d'être scolarisés. Bien sûr ce n'était pas tous les enfants qui allaient à l'école-chatt, seulement ceux dont les parents avaient les moyens. Lorsque nous arrivions en classe le matin, nous nous mettions en rang au deuxième son de cloche. Le premier son de cloche avait eu lieu une demi-heure plus tôt ; il indiquait que les portes de l'école étaient ouvertes et donnait donc le départ des enfants qui habitaient les environs. Les enfants devaient s'aligner en rang, deux par deux, et entrer dans leur salle classe après classe, sans bousculades. En passant devant leur maîtresse ou leur maître, ils s'arrêtaient une fraction de seconde pour la saluer. Arrivés dans la classe, chacun s'asseyait à sa place. Je me rappelle que la maîtresse commençait par écrire la date au tableau ainsi qu'une phrase de morale que nous devions recopier sur notre cahier afin de l'apprendre. Ensuite, elle faisait l'appel des élèves et elle désignait l'élève qui hériterait, pour la journée, du cahier de roulement. En effet, chaque jour, un élève différent devait faire tout son travail (dictée, calcul, écriture...) sur ce cahier qui permettait d'avoir une vue d'ensemble de la classe. Ce cahier tournait ainsi tout au long de l'année. Lorsque l'inspecteur passait, c'était le cahier de roulement qu'il consultait en premier. Donc, le jour du cahier de roulement, il fallait s'appliquer davantage et éviter d'avoir de mauvaises notes. Je n'étais pas vraiment à mon aise les jours où j'étais désignée pour le fameux cahier de roulement. A l'école, il nous était formellement interdit de parler le créole, dans la classe, dans la cour de récréation et même aux abords de l'école. Beaucoup d'enfants y découvraient le français pour la première fois. Ils avaient beaucoup de mal à comprendre l'instituteur ou l'institutrice, et par conséquent, beaucoup de difficultés pour apprendre à lire, à écrire et à compter. * * * |