Ils partaient le matin avant 8 heures. Ils s'installaient au bord de la rivière, à côté de belles roches plates qui servaient de lavoir. La mère apprenait à ses filles comment bien laver le linge. D'abord, on mouillait le linge
que l'on déposait par petits tas sur les pierres, puis
on savonnait (avec un bon morceau de savon de
Marseille) Pour enlever les taches de rouille sur les vêtements, on utilisait le fruit du bilimbi. Pour blanchir le linge, on l'étalait, tout savonné au soleil et on l'arrosait de temps en temps. On disait communément : mettre le linge à la blani. Pendant que le linge blanchissait, ils déjeunaient. Puis les plus grands rinçaient le linge, l'essoraient et le mettaient à sécher sur les arbustes des alentours. Les enfants profitaient de cette sortie à la rivière pour se baigner, s'amuser dans l'eau, faire un shampooing, se décrasser, pêcher des écrevisses (qui à cette époque foisonnaient dans les rivières) qui alimenteraient le repas du soir. Le jour de la lessive était le jour préféré des enfants. Les terrines ou les tré chargés de linge propre posés sur la tête ou portés à bout de bras, tout le monde rentrait à la maison vers 16 ou 17 heures. Le traitement du linge se poursuivait à la maison avec l'amidonnage et le repassage. On amidonnait tout le linge sauf les tricots de corps et les serviettes de toilette. C'est le manioc qui donnait l'amidon : la moussache qu'il fallait délayer dans l'eau très chaude pour l'utiliser. Le repassage s'effectuait à l'aide de fers (appelés communément karo) que l'on faisait chauffer directement sur un feu de charbon de bois. Chaque ménagère possédait au moins un jeu de deux fers : un qui chauffait pendant que l'autre était utilisé. Elle jugeait de la chaleur du fer en l'approchant de leur joue. A l'aide d'un chiffon, elle nettoyait la semelle avant de l'appliquer sur le linge propre et afin qu'elle glisse sur le tissu, elle le frottait d'un chiffon imprégné de cire de bougie. Comme pour la lessive, un jour de la semaine était réservé au repassage. Après cette longue journée à manier les fers, journée de chaleur et de transpiration intense, elle prenait mille précautions pour ne pas attraper un chaud-froid (une congestion) : elle gardait le même vêtement, ne sortait pas dans la fraîcheur, ne touchait pas l'eau, se gardait de la pluie, évitait les courants d'air et ne mangeait pas certains fruits comme la banane ou la mangue (réputée pour refroidir l'intérieur du corps). * * * |